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le préside de ceuta.

Que se passa-t-il dans l’esprit de Carpena, lorsqu’il se trouva inopinément en présence du docteur ? Quelle fut l’impression dont son cerveau fut saisi avec cette instantanéité qui caractérise certains procédés photographiques ? Cela serait assez difficile à dire. Mais, en réalité, ce que l’Espagnol sentit soudain, c’est que le docteur s’emparait de lui tout entier par une sorte d’ascendant moral, que sa personnalité s’annihilait devant la sienne, qu’une volonté étrangère, plus forte que sa propre volonté, l’envahissait. En vain voulut-il résister : il ne put que céder à cette domination.

Cependant le docteur, ayant fait arrêter sa voiture, continuait à le regarder avec une fixité pénétrante. Le point brillant de ses yeux produisait sur le cerveau de Carpena un étrange et irrésistible effet. Les sens de l’Espagnol s’éteignirent peu à peu par obtusion. Ses paupières clignotèrent, se fermèrent, ne conservant plus qu’une vibration frémissante. Puis, dès que l’anesthésie fut complète, il tomba sur le bord de la route, sans que ses compagnons se fussent aperçus de rien. D’ailleurs, il était endormi d’un sommeil magnétique dont aucun d’eux n’eût pu le tirer.

Alors le docteur donna l’ordre de se remettre en route pour la résidence du gouverneur. Cette