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le dernier enjeu.

protège les intérêts dans une mesure si considérable.

Il y eut des coups terribles. Tout le gain, encaissé par Silas Toronthal pendant l’après-midi, s’en alla peu à peu. Le banquier, effrayant à voir, la face congestionnée, les yeux hagards, se raccrochait aux bords de la table, à sa chaise, aux paquets de billets, aux rouleaux d’or que sa main ne pouvait lâcher, avec les mouvements, les soubresauts, les convulsions d’un homme qui se noie ! Et personne pour l’arrêter au bord de l’abîme ! Pas un bras qui lui fût tendu pour le retenir ! Pas une tentative de Sarcany pour l’arracher à cette place, pour l’entraîner, avant que sa perte fût complète, avant que sa tête eût disparu sous ce flot de la ruine !

À dix heures, Silas Toronthal avait risqué sa dernière mise, son dernier maximum. Il l’avait gagné, puis reperdu. Et, quand il se leva, la tête égarée, pris de cette envie féroce que les salons du cercle s’écroulassent pour l’écraser avec tout ce monde qui les emplissait, il n’avait plus rien, — plus rien des millions que lui avait laissés sa maison de banque, reconstituée avec les millions du comte Sandorf.

Silas Toronthal, accompagné de Sarcany, qui semblait être son geôlier, quitta les salles de jeu,