Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 3.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.

94
mathias sandorf.

Ruiné, il faudrait bien qu’il suivît Sarcany partout où celui-ci voudrait le conduire. Dans les deux cas, il n’y aurait plus rien à craindre de sa part.

Du reste, bien qu’il essayât de résister, Silas Toronthal sentait maintenant toutes les passions du joueur s’agiter en lui. En ce misérable abaissement où il était tombé, il éprouvait à la fois la peur et l’envie de revenir dans les salons du Casino. Les paroles de Sarcany lui mettaient le feu dans le sang. Visiblement, le sort s’était déclaré pour lui, et pendant ces dernières heures, avec une telle constance qu’il serait impardonnable de s’arrêter !

Le fou ! Comme tous les joueurs, ses pareils, il mettait au présent ce qui ne peut jamais être qu’au passé ! Au lieu de se dire : J’ai eu de la chance, — ce qui était vrai, — il se disait : J’ai de la chance, — ce qui est faux ! Et pourtant, dans le cerveau de tous ceux qui tablent sur le hasard, il ne se fait pas d’autre raisonnement que celui-là ! Ils oublient trop ce qu’a récemment dit un des plus grands mathématiciens de la France :

« Le hasard a des caprices, il n’a pas d’habitudes. »

Cependant Sarcany et Silas Toronthal étaient arrivés devant le Casino, toujours suivis par Pointe Pescade. Là, ils s’arrêtèrent un instant.