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mathias sandorf.

échapper aux honneurs et en même temps aux inconvénients de la célébrité. Sa personnalité fut à l’ordre du jour. La légende s’en empara. On ignorait qui il était, d’où il venait, où il allait. Cela ne pouvait que piquer davantage la curiosité publique. Et, naturellement, quand on ne sait rien, le champ est plus vaste, l’imagination en profite, et ce fut à qui paraîtrait le mieux informé.

Les reporters, désireux de satisfaire leurs lecteurs, s’étaient empressés de se rendre à Gravosa, — quelques-uns, même, à bord de la goélette. Ils ne purent voir le personnage, dont l’opinion s’occupait avec tant d’insistance. Les ordres étaient formels. Le docteur ne recevait pas. Aussi les réponses que faisait le capitaine Narsos à toutes les demandes des visiteurs, étaient-elles invariablement les mêmes :

« Mais d’où vient ce docteur ?

— D’où il lui plaît.

— Et où va-t-il ?

— Où il lui convient d’aller.

— Mais qui est-il ?

— Personne ne le sait, et peut-être ne le sait-il pas plus que ceux qui le demandent ! »

Le moyen de renseigner des lecteurs avec de si laconiques réponses ! Il s’en suivit donc que les imaginations, ayant toute liberté, ne se gênèrent pas