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mathias sandorf.

— Jusqu’au moment où vous nous aurez conduits dans votre pays ! ajouta Pointe Pescade.

— Je n’ai pas de pays, répondit le docteur, ou plutôt j’ai un pays que je me suis fait, un pays à moi, et qui, si vous le voulez, deviendra le vôtre !

— Allons, Cap Matifou, s’écria Pointe Pescade, allons liquider notre maison de commerce ! Sois tranquille, nous ne devons rien à personne, et nous ne ferons pas faillite ! »

Là-dessus, après avoir pris congé du docteur Antékirtt, les deux amis s’embarquèrent dans le canot qui les attendait et furent ramenés au quai de Gravosa.

Là, en deux heures, ils eurent fait leur inventaire et cédé à quelque confrère les tréteaux, toiles peintes, grosse caisse et tambour, qui formaient tout leur avoir. Ce ne fut ni long ni difficile, et ils ne devaient pas être alourdis par le poids des quelques florins qu’ils empochèrent.

Cependant, Pointe Pescade tint à conserver avec sa défroque d’acrobate son cornet à piston, et Cap Matifou son trombone avec son accoutrement de lutteur. Ils auraient eu trop de chagrin à se séparer de ces instruments et de ces nippes, qui leur rappelaient tant de succès et de triomphes. Ils furent cachés au fond de l’unique malle, qui contenait leur mobilier, leur garde-robe, tout leur matériel, enfin.