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le lancement du trabacolo.

quelque riche aumône. Non ! Il tendit la main au géant et lui dit en langue italienne :

« Merci, mon ami, pour ce que vous avez fait là ! »

Cap Matifou était tout honteux de tant d’honneur pour si peu de chose, vraiment !

« Oui !… c’est bien !… c’est superbe, Cap Matifou ! reprit Pointe Pescade avec toute la redondance de son jargon provençal.

— Vous êtes Français ? demanda l’étranger.

— Tout ce qu’il y a de plus Français ! répondit Pointe Pescade, non sans fierté, Français du midi de la France ! »

L’étranger les regardait avec une véritable sympathie, mêlée de quelque émotion. Leur misère était trop apparente pour qu’il pût s’y tromper. Il avait bien devant lui deux pauvres saltimbanques, dont l’un, au risque de sa vie, venait de lui rendre un grand service, car une collision du trabacolo et de la goélette aurait pu faire de nombreuses victimes.

« Venez me voir à bord, leur dit-il.

— Et quand cela, mon prince ? répondit Pointe Pescade, en esquissant son plus gracieux salut.

— Demain matin, à la première heure.

— À la première heure ! » répondit Pointe Pescade, tandis que Cap Matifou donnait son acquiescement tacite en remuant de haut en bas son énorme tête.