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le lancement du trabacolo.

pointe, en dehors du port de Gravosa, sur un terrain déclive, que le ressac frangeait d’une légère écume.

Pointe Pescade et son compagnon, après avoir joué des coudes, parvinrent à se trouver placés au premier rang des spectateurs. Jamais, même dans les soirées à bénéfice, il n’y avait eu pareil empressement devant leurs tréteaux ! Ô dégénérescence de l’art !

Le trabacolo, délivré déjà des accores qui lui soutenaient les flancs, était prêt à être lancé. L’ancre se trouvait à poste, il suffirait de la laisser tomber, dès que la coque serait à l’eau, pour arrêter son erre, qui eût pu l’entraîner trop loin dans le chenal. Bien que ce trabacolo ne jaugeât qu’une cinquantaine de tonneaux, c’était une masse assez considérable encore pour que toutes les précautions eussent été soigneusement prises dans cette opération. Deux ouvriers du chantier se tenaient sur son pont, à l’arrière, près du bâton de poupe, à l’extrémité duquel battait le pavillon dalmate, et deux autres à l’avant, préposés à la manœuvre de l’ancre.

C’était par l’arrière, — ainsi que cela se fait dans les opérations de ce genre, — que devait être lancé le trabacolo. Son talon, reposant sur la coulisse savonnée, n’était plus retenu que par la clef. Il suffirait d’enlever cette clef pour que le glissement