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mathias sandorf.

l’obligeait à manger, se privant pour lui, quand il n’y en avait que pour un et même pour deux. Cependant, ce soir-là, le souper, — même pour un, — n’apparaissait pas encore à l’horizon.

« Il y a des brumes ! » répétait Pointe Pescade.

Et, pour les dissiper, ce brave cœur reprit gaiement son boniment et ses grimaces. Il arpentait les tréteaux, il se démenait, il se disloquait, il marchait sur les mains quand il ne marchait pas sur les pieds, — ayant observé qu’on avait moins faim, la tête en bas. Il redisait, dans un jargon moitié provençal, moitié slave, ces éternelles plaisanteries de parades, qui seront en usage tant qu’il y aura un pitre pour les lancer à la foule et des badauds pour les entendre.

« Entrez, messieurs, entrez ! criait Pointe Pescade. On ne paie qu’en sortant… la bagatelle d’un kreutzer ! »

Mais, pour sortir, il fallait d’abord entrer, et, des cinq ou six personnes arrêtées devant les toiles peintes, aucune ne se décidait à pénétrer dans la petite arène.

Alors Pointe Pescade, d’une baguette frémissante, montrait les animaux féroces, brossés sur les toiles. Non pas qu’il eût une ménagerie à offrir au public ! Mais ces bêtes terribles, elles existaient en