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pescade et matifou.

sa bourse était restée fermée jusqu’alors. Il est vrai, ce n’était point la Zingare, qui venait de chanter « en le regardant de son grand œil noir », mais tout simplement le grand diable qui se faisait son interprète. Il allait donc quitter sa place, sans l’avoir payée, lorsqu’une jeune fille, qui l’accompagnait, l’arrêta en disant :

« Mon père, je n’ai pas d’argent sur moi. Je vous en prie, veuillez donner quelque chose à ce brave homme ! »

Et voilà comment le guzlar reçut quatre ou cinq kreutzers qu’il n’aurait pas eus sans l’intervention de la jeune fille. Non que son père, qui était fort riche, fût avare au point de refuser de faire l’aumône à un pauvre forain : mais, vraisemblablement, il n’était pas de ceux que peuvent émouvoir les misères humaines.

Puis, tous deux se dirigèrent, à travers la foule, vers d’autres baraques non moins bruyantes, tandis que les joueurs de guzla se dispersaient dans les auberges voisines pour « liquider » la recette. Aussi n’épargnèrent-ils pas les flacons de « slivovitza », violente eau-de-vie obtenue par la distillation de la prune, et qui passait comme un simple sirop à travers ces gosiers de bohémiens.

Cependant, tous ces artistes en plein vent, chan-