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mathias sandorf.

autrement. Il n’en devait comprendre la menaçante signification qu’après le départ du visiteur.

Huit heures venaient de sonner, Maria s’occupait des préparatifs du souper, et le couvert était déjà mis sur la table dans la grande salle, lorsque deux coups furent frappés à la porte de la maison.

Andréa Ferrato n’hésita pas à aller ouvrir. Très surpris, il se trouva en présence de l’Espagnol Carpena.

Ce Carpena était originaire d’Almayate, petite ville de la province de Malaga. Tout comme Andréa Ferrato avait quitté la Corse, lui avait quitté l’Espagne, sans doute à la suite de quelque mauvaise affaire, pour venir s’établir dans l’Istrie. Là, il faisait le métier de paludier ou de saunier, transportant dans l’intérieur les produits des salines de la côte occidentale, — métier ingrat, avec lequel il gagnait tout juste de quoi vivre.

C’était un homme vigoureux, jeune encore, ayant à peine vingt-cinq ans, court de taille mais large d’épaules, avec une grosse tête toute crêpée de cheveux rudes et noirs, une de ces faces de bouledogue qui ne rassurent pas plus dans une tête d’homme que dans une tête de chien. Carpena, peu sociable, haineux, vindicatif, et, de plus, assez lâche, n’était guère aimé dans le pays. On ne savait trop pourquoi