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mathias sandorf.

qui allait atteindre sa huitième année. Et, sans le regret toujours poignant d’avoir perdu sa vaillante compagne, le pêcheur de Rovigno eût été aussi heureux qu’on peut l’être par le travail et la satisfaction du devoir accompli. Il était aimé de tous dans le pays, étant serviable et de bon conseil. On sait qu’il passait, à juste titre, pour habile à son métier. Au milieu de ces longues traînées de roches qui couvrent les rivages de l’Istrie, il n’eut pas à regretter ses pêches du golfe de Santa Manza et du détroit de Bonifacio. En outre, il était devenu un très bon pratique de ces parages, où se parlait la même langue qu’il avait parlée en Corse. Le profit des navires qu’il pilotait sur la côte depuis Pola jusqu’à Trieste, s’ajoutait encore à ceux que lui procurait l’exploitation de ces eaux poissonneuses. Aussi, en sa maison y avait-il toujours la part des pauvres gens, et sa fille Maria l’aidait de son mieux dans ses œuvres de charité.

Mais le pêcheur de Santa Manza n’avait point oublié la promesse qu’il s’était faite : vie pour vie ! Il avait pris la vie d’un homme. Il sauverait la vie d’un autre.

Voilà pourquoi, lorsque les deux fugitifs se présentèrent à la porte de sa maison, devinant qui ils étaient, sachant à quelle peine il s’exposait, n’avait-il