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mathias sandorf.

on peut espérer de voir la fin avec l’éducation des générations nouvelles.

Donc, ainsi qu’on l’a dit, animosité plus ou moins latente contre la famille Ferrato. Or, en Corse, de l’animosité à la haine il n’y a pas loin, de la haine aux violences, moins loin encore. Quelques circonstances envenimèrent bientôt ces dispositions. Un jour, Andréa Ferrato, à bout de patience, dans un mouvement de colère, « fit une peau. » Il tua un assez mauvais drôle du pays, qui le menaçait, et dut prendre la fuite.

Mais Andréa Ferrato n’était point homme à se réfugier dans le maquis, à vivre de cette vie de lutte quotidienne autant contre la police que contre les compagnons ou amis du mort, à perpétuer une série de vengeances, qui auraient fini par atteindre les siens. Résolu à s’expatrier, il parvint à quitter secrètement la Corse pour se réfugier sur la côte sarde. Sa femme, lorsqu’elle eut réalisé leur petit bien, cédé la maison de Santa Manza, vendu les meubles, la barque et les filets, vint l’y rejoindre avec sa fille. Il avait renoncé à jamais revenir dans son pays natal.

D’ailleurs, ce meurtre, bien qu’il eût été commis en état de légitime défense, pesait à la conscience d’Andréa Ferrato. Avec les idées quelque peu su-