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la maison du pêcheur ferrato.

Vingt ans auparavant, il avait épousé une jeune fille de Sartène. Deux ans après, il en avait eu une fille, qui fut nommée Maria. Le métier de pêcheur est assez rude, surtout quand on joint à la pêche du poisson la pêche du corail, dont il faut aller chercher les bancs sous-marins au fond des plus mauvaises passes du détroit. Mais Andréa Ferrato était courageux, robuste, infatigable, habile aussi bien à se servir des filets que de la drague. Ses affaires prospéraient. Sa femme, active et intelligente, tenait à souhait la petite maison de Santa Manza. Tous deux, sachant lire, écrire, compter, étaient donc relativement instruits, si on les compare aux cent cinquante mille illettrés que la statistique relève encore aujourd’hui sur les deux cent soixante mille habitants de l’île.

En outre, — peut-être grâce à cette instruction, — Andréa Ferrato était très français d’idées et de cœur, bien qu’il fût d’origine italienne, comme le sont la plupart des Corses. Et cela, à cette époque, lui avait valu quelque animosité dans le canton.

Ce canton, en effet, situé à l’extrémité sud de l’île, loin de Bastia, loin d’Ajaccio, loin des principaux centres administratifs et judiciaires, est, au fond, resté très réfractaire à tout ce qui n’est pas Italien ou Sarde, — regrettable état de choses, dont