Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 1.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

181
le torrent de la foïba.

entrer dans cette ville, où la présence de deux étrangers eût été vite signalée. Il s’agissait donc d’en contourner les murs, s’il était possible, afin d’atteindre une des pointes du littoral.

Mais cela ne se fit pas sans que les deux fugitifs, à leur insu, n’eussent été suivis de loin par l’homme même, qui les avait déjà aperçus sur la grève du canal de Lème, — ce Carpena, dont ils avaient entendu la déposition faite au brigadier de gendarmerie. En effet, en regagnant sa demeure, alléché par la prime offerte, l’Espagnol s’était écarté pour mieux observer la route, et la chance, bonne pour lui, mauvaise pour eux, venait de le remettre sur la trace des fugitifs.

Presque à ce moment, une escouade de police, qui sortait par une des portes de la ville, menaça de leur barrer le chemin. Ils n’eurent que le temps de se jeter de côté ; puis, ils se dirigèrent en toute hâte vers le rivage, en longeant les murs du port.

Il y avait là une modeste maison de pêcheur, avec ses petites fenêtres allumées, sa porte entrouverte. Si Mathias Sandorf et Étienne Bathory n’y trouvaient pas asile, si on refusait de les y recevoir, ils étaient perdus. Y chercher refuge, c’était évidemment jouer le tout pour le tout, mais il n’y avait plus à hésiter.