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mathias sandorf.

permirent, sinon d’assouvir leur faim, du moins de tromper les besoins de leur estomac. Ce sorgho, cru sous la dent et mangé à même, ces mûres rafraîchissantes, cela suffirait peut-être pour les empêcher de tomber d’épuisement, avant d’avoir atteint le littoral.

Mais si le pays était plus habitable, si quelques champs cultivés prouvaient que la main de l’homme s’y exerçait, il fallait s’attendre à rencontrer des habitants.

C’est ce qui arriva vers midi.

Cinq ou six piétons apparurent sur la route. Par prudence, Mathias Sandorf ne voulut pas se laisser voir. Très heureusement, il aperçut un enclos, autour d’une ferme en ruines, à une cinquantaine de pas vers la gauche. Là, avant d’avoir été aperçus, son compagnon et lui s’étaient réfugiés au fond d’une sorte de cellier obscur. Au cas où quelque passant s’arrêterait à cette ferme, il y avait des chances pour qu’ils ne fussent pas découverts, dussent-ils y rester jusqu’à la nuit.

Ces piétons étaient des paysans et des paludiers. Les uns conduisaient des troupes d’oies, sans doute au marché d’une ville ou d’un village, qui ne devait pas être très éloigné du canal de Lème. Hommes et femmes étaient vêtus à la mode istrienne, avec les