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mathias sandorf.

Le lit très élargi de la rivière, toujours désert et silencieux, permettait au courant de se dérouler moins rapidement. Quelques troncs d’arbres, arrachés en amont, descendaient avec une vitesse plus modérée. Cette matinée de juin était assez fraîche. Sous leurs vêtements trempés, les fugitifs grelottaient. Il n’était que temps pour eux de trouver un abri quelconque, où le soleil leur permettrait de se mettre au sec.

Vers cinq heures, les derniers contreforts firent place à de longues et basses rives, se développant à travers un pays plat et dénudé. La Foïba s’épanchait alors, par un lit large d’un demi-mille, dans une assez vaste étendue d’eau stagnante, qui eût mérité le nom de lagon, si ce n’est même celui de lac. Au fond, vers l’ouest, quelques barques, les unes encore mouillées, les autres appareillant aux premiers souffles de la brise, semblaient indiquer que ce lagon n’était qu’un bassin, largement échancré dans le littoral. La mer n’était donc plus éloignée, et de chercher à l’atteindre, cela était tout indiqué. Mais il n’eût pas été prudent d’aller demander refuge à ces pêcheurs. Se fier à eux, au cas où ils auraient eu connaissance de l’évasion, c’était courir les chances d’être livrés aux gendarmes autrichiens, qui devaient maintenant battre la campagne.