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mathias sandorf.

raient irrésistiblement par un effet de Maëlstrom. Enlacés alors dans un mouvement giratoire, puis rejetés à la périphérie du tourbillon, comme la pierre au bout d’une fronde, ils ne parvenaient à en sortir qu’au moment où le remous venait à se rompre.

Une demi-heure s’écoula dans ces conditions avec la mort probable à chaque minute, à chaque seconde. Mathias Sandorf, doué d’une énergie surhumaine, n’avait pas encore faibli. En somme, il était heureux que son compagnon fût à peu près privé de sentiment. S’il avait eu l’instinct de la conservation, il se serait débattu. Il aurait fallu lutter pour le réduire à l’impuissance. Et alors ou le comte Sandorf eût été forcé de l’abandonner, ou ils se fussent engloutis tous deux.

Toutefois, cette situation ne pouvait se prolonger. Les forces de Mathias Sandorf commençaient à s’épuiser sensiblement. En de certains moments, tandis qu’il soulevait la tête d’Étienne Bathory, la sienne s’enfonçait sous la couche liquide. La respiration lui manquait subitement. Il haletait, il étouffait, il avait à se débattre contre un commencement d’asphyxie. Plusieurs fois, même, il dut lâcher son compagnon, dont la tête s’immergeait aussitôt ; mais toujours il parvint à le ressaisir, et cela au