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le torrent de la foïba.

mer il allait se perdre. Quand bien même Mathias Sandorf eût su que cette rivière était la Foïba, sa situation n’aurait pas été moins désespérée, puisqu’on ignore où se déversent ses eaux impétueuses. Des bouteilles fermées, jetées à l’entrée de la caverne, n’avaient jamais reparu en aucun tributaire de la péninsule istrienne, soit qu’elles se fussent brisées dans leur parcours à travers cette sombre substruction, soit que ces masses liquides les eussent entraînées en quelque gouffre de l’écorce terrestre.

Cependant, les fugitifs étaient emportés avec une extrême vitesse, — ce qui leur rendait plus facile de se soutenir à la surface de l’eau. Étienne Bathory n’avait plus conscience de son état. Il était comme un corps inerte entre les mains du comte Sandorf. Celui-ci luttait pour deux, mais il sentait bien qu’il finirait par s’épuiser. Aux dangers d’être heurté contre quelque saillie rocheuse, aux flancs de la caverne ou aux pendentifs de la voûte, il s’en joignait de plus grands encore : c’était, surtout, d’être pris dans un de ces tourbillons que formaient de nombreux remous, là où un brusque retour de la paroi brisait et modifiait le courant régulier. Vingt fois, Mathias Sandorf se sentit saisi avec son compagnon dans un de ces suçoirs liquides, qui l’atti-