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le donjon de pisino.

Voici, en effet, quelle est la situation et la disposition extérieure du donjon dans la forteresse de Pisino.

Ce donjon occupe le côté d’une terrasse, qui termine brusquement la ville en cet endroit. Si l’on s’appuie sur le parapet de cette terrasse, le regard plonge dans un gouffre large et profond, dont les parois ardues, tapissées de longues lianes échevelées, sont coupées à pic. Rien ne surplombe de cette muraille. Pas une marche pour y monter ou en descendre. Pas un palier pour y faire halte. Aucun point d’appui nulle part. Rien que des stries capricieuses, lisses, effritées, incertaines, qui marquent le clivage oblique des roches. En un mot, un abîme qui attire, qui fascine et qui ne rendrait rien de ce qu’on y aurait précipité.

C’est au-dessus de cet abîme que se dresse un des murs latéraux du donjon, percé de quelques rares fenêtres, éclairant les cellules des divers étages. Si un prisonnier se fût penché en dehors de l’une de ces ouvertures, il aurait reculé d’effroi, à moins que le vertige ne l’eût entraîné dans le vide ! Et s’il tombait, qu’arriverait-il ? Ou son corps se briserait sur les roches du fond, ou il serait emporté par un torrent, dont le courant est irrésistible à l’époque des fortes eaux.