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avant, pendant et après le jugement.

un fils que ce coup allait atteindre. Ces êtres si chers pouvaient en mourir ! Et, s’ils lui survivaient, quelle existence les attendait ! Quel avenir pour cette femme, sans fortune, avec un enfant à peine âgé de huit ans ! D’ailleurs, Étienne Bathory eût-il eu quelque bien, qu’en serait-il resté, après un jugement qui prononçait contre les condamnés la confiscation en même temps que la mort ?

Quant au comte Sandorf, c’était tout son passé qui lui revenait ! C’était sa femme, toujours présente en lui ! C’était sa petite fille, une enfant de deux ans, abandonnée aux soins de l’intendant qui aurait la charge de l’élever ! C’étaient ses amis qu’il avait entraînés à leur perte ! Il se demandait s’il avait bien agi, s’il n’avait pas été plus loin que ne commandait le devoir envers son pays, puisque le châtiment allait au-delà de lui-même, puisqu’il frappait des innocents !

« Non !… non !… je n’ai fait que mon devoir ! répétait-il. La patrie avant tout, au-dessus de tout ! »

Vers cinq heures du soir, un gardien entra dans la cellule, déposa sur la table le dîner des condamnés, puis sortit, sans avoir prononcé une seule parole. Mathias Sandorf, cependant, aurait voulu savoir en quel lieu il se trouvait, quelle était la