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mathias sandorf.

était nord ou sud. Mais, à ce moment, les gendarmes baissèrent les mantelets des portières, et l’intérieur de la voiture fut plongé dans la plus complète obscurité.

Ni le comte Sandorf, ni ses deux amis ne firent la plus petite observation. Il n’y eût pas été répondu, cela n’était que trop certain. Mieux valait se résigner et attendre.

Une heure ou deux heures après, — il eût été difficile d’estimer le temps écoulé, — la chaise de poste s’arrêta une dernière fois et relaya rapidement au bourg de Visinada.

À partir de ce moment, tout ce qui put être observé, ce fut que la route devenait très dure. Les cris du postillon, le claquement du fouet, ne cessaient de stimuler les chevaux, dont le fer frappait le sol rude et pierreux de cette région montagneuse. Quelques collines, sur lesquelles s’étageaient de petits bois grisâtres, avaient rétréci les bornes de l’horizon. Deux ou trois fois les prisonniers purent entendre les sons d’une flûte. C’étaient de jeunes pâtres, qui jouaient leurs airs bizarres en gardant des troupeaux de chèvres noires ; mais il n’y avait là qu’une indication trop insuffisante de la contrée parcourue, et il fallait se résoudre à n’en rien voir.

Il devait être neuf heures du matin, lorsque la