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mathias sandorf.

un crochet qui la ramena obliquement vers la côte. Le comte Sandorf, au milieu du bruit produit par le pas des chevaux et le cliquetis des sabres, put alors entendre le murmure lointain du ressac contre les roches du littoral. Pendant un instant, quelques lumières brillèrent dans la nuit et s’éteignirent presque aussitôt. C’était le petit bourg de Muggia, que la chaise de poste venait de dépasser, mais sans y faire halte. Puis, le comte Sandorf crut remarquer que la route les ramenait dans la campagne.

À onze heures du soir, la voiture s’arrêta pour relayer. Il n’y avait là qu’une ferme, où les chevaux attendaient, prêts à être attelés. Ce n’était point un relais de poste. On avait voulu éviter d’aller chercher celui de Capo d’Istria.

L’escorte se remit en route. La voiture suivait un chemin tracé entre des clos de vignes, dont les sarments s’entrelaçaient en festons aux branches des mûriers, et toujours en plaine, ce qui permettait de courir rapidement. L’obscurité était alors d’autant plus profonde, que de gros nuages, poussés par un assez violent sirocco du sud-est, emplissaient tout l’espace. Bien que les vitres des portières eussent été baissées, de temps en temps, pour donner un peu d’air à l’intérieur, — car les nuits de juin sont chaudes, en Istrie, — il était impossible de rien