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et de trois

« Si je les revois, reprit-elle, je vous préviendrai, monsieur, avant que vous mettiez le pied dehors…

— C’est entendu ! »

Et j’interrompis la conversation, prévoyant bien que, à la continuer, Grad finirait par assurer que c’était Belzébuth et un de ses acolytes que j’avais à mes trousses.

Les deux journées suivantes, il fut manifeste que personne ne m’épiait ni à ma sortie ni à ma rentrée. J’en concluai que Grad avait fait erreur.

Or, dans la matinée du 22 juin, après avoir monté l’escalier, aussi rapidement que le lui permettait son âge, voici que Grad pousse la porte de ma chambre, et, à demi essoufflée, me dit :

« Monsieur… monsieur…

— Qu’y a-t-il, Grad ?…

— Ils sont là…

— Qui ?… demandai-je, songeant à tout autre chose qu’à la « filature » dont j’eusse été l’objet.

— Les deux espions…

— Ah ! ces fameux espions…

— Eux-mêmes… dans la rue, en face de vos fenêtres, observant la maison, attendant que vous sortiez ! »

Je m’approchai de la fenêtre et, le rideau légèrement soulevé, afin de ne point donner l’éveil, j’aperçus deux hommes sur le trottoir.

Deux, en effet, taille moyenne, vigoureusement constitués, larges épaules, d’un âge entre trente-cinq et quarante ans, vêtus comme le sont d’ordinaire les gens de la campagne, chapeau de feutre ombrageant la tête, pantalon d’épaisse laine, fortes bottes, bâton à la main.

Nul doute, ils examinaient, avec obstination, la porte et les fenêtres de ma demeure.

Puis, après avoir échangé quelques paroles, ils faisaient