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et de trois

tive sur un immense pays qui s’étend du soixantième méridien au cent vingt-cinquième, et du trentième degré de latitude au quarante-cinquième !… Avec l’Atlantique d’un côté, le Pacifique de l’autre, le vaste golfe du Mexique, qui baigne ses côtes méridionales, l’introuvable bateau n’avait-il pas là un immense champ d’évolution, où il devait être insaisissable ?…

Mais, je le répète, ni l’un ni l’autre appareil n’avait été revu, et, on le sait, lors de ses dernières apparitions, son inventeur n’avait pas précisément choisi les endroits les moins fréquentés, cette grande route du Wisconsin, un jour de courses, ces parages de Boston, incessamment sillonnés par des milliers de navires !…

Si donc cet inventeur n’avait pas péri — ce qui pouvait s’admettre d’ailleurs —, ou il était maintenant hors de l’Amérique, peut-être dans les mers de l’Ancien Continent, ou il se cachait en quelque retraite connue de lui seul, et, à moins que le hasard…

« Eh ! me répétais-je parfois, en fait de retraite, aussi secrète qu’inaccessible, ce fantastique personnage n’aurait pas mieux trouvé que le Great-Eyry !… Il est vrai, un bateau ne saurait pas y pénétrer plus qu’une automobile !… Seuls les grands oiseaux, aigles où condors, peuvent y chercher refuge ! »

Je dois noter que, depuis mon retour à Washington, aucun nouveau déchaînement de flammes n’avait effrayé les habitants du district. M. Élias Smith ne m’ayant point écrit à ce sujet, j’en concluais avec raison qu’il ne se produisait rien d’anormal. Tout donnait à penser que les deux affaires, auxquelles s’étaient si passionnément attachées la curiosité et l’inquiétude publiques, allaient tomber dans un complet oubli.

Le 19 juin, vers neuf heures, je me rendais à mon bureau, quand, en sortant de la maison, je remarquai deux individus, qui me regardèrent avec une certaine insistance. Ne les connais-