Page:Verne - Maître du monde, Hetzel, 1904.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
un concours de l’automobile-club

et de main qu’il saurait sans doute ne se heurter à aucun obstacle ! N’importe, si les autorités du Wisconsin avaient pris des mesures pour que la route fût réservée aux seuls concurrents du match international, cette route ne l’était plus.

Et voici ce que rapportèrent les coureurs, prévenus téléphoniquement, et qui durent interrompre la lutte pour le grand prix de l’Automobile Club. À leur estime, ce prodigieux véhicule ne faisait pas moins de cent trente milles à l’heure. Telle était la vitesse, au moment où il les dépassait, qu’on put à peine reconnaître la forme de cette machine, sorte de fuseau allongé dont la longueur ne devait pas excéder une dizaine de mètres. Ses roues tournaient avec une vélocité telle que leurs rayons se confondaient. Du reste, elle ne laissait après elle ni vapeur, ni fumée, ni odeur.

Quant au conducteur, renfermé à l’intérieur de son automobile, il avait été impossible de l’apercevoir, et il demeurait aussi inconnu qu’à l’époque où il fut pour la première fois signalé sur les routes de l’Union.

Par les stations téléphoniques, Milwaukee avait été prévenue de l’arrivée de cet outsider. On imaginera aisément l’émotion que causa la nouvelle. Et tout d’abord se posa la question d’arrêter ce « projectile », d’élever en travers de la route un obstacle contre lequel il se briserait en mille pièces !… Mais en aurait-on le temps ?… Le chauffeur ne pouvait-il apparaître d’un instant à l’autre ?… À quoi bon, d’ailleurs, ne serait-il pas finalement forcé d’enrayer sa marche volens aut nolens, puisque la route aboutissait au lac Michigan, et qu’il ne pouvait aller au delà, à moins de se métamorphoser en appareil de navigation ?…

Telle est la pensée qui se présenta à l’esprit des spectateurs, groupés en avant de Milwaukee, après avoir pris la précaution de se tenir à distance suffisante pour ne point être renversés par cette trombe.