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aurait rejoint les automobiles de tête, elle les dépasserait avec cette vitesse double de la leur, elle arriverait première au but.

Et alors, de toutes parts s’élevèrent de bruyantes clameurs, bien que les spectateurs massés sur les bords de la route n’eussent rien à craindre.

« C’est l’infernale machine signalée il y a une quinzaine de jours !…

— Oui !… la même qui a traversé l’Illinois, l’Ohio, le Michigan, et que la police n’a pu arrêter !…

— Et dont on n’entendait plus parler, heureusement pour la sécurité publique !…

— Et que l’on croyait finie, détruite, disparue pour jamais !…

— Oui !… la charrette du diable, chauffée avec le feu de l’enfer, et que Satan conduit en personne ! »

En vérité, si ce n’était pas le diable, qui pouvait donc être ce mystérieux chauffeur, menant avec cette invraisemblable vélocité cette non moins mystérieuse machine ?…

Ce qui paraissait au moins hors de doute, c’est que l’engin qui courait alors dans la direction de Madison était bien celui qui s’était déjà signalé à l’attention publique, et dont les agents n’avaient plus trouvé trace ! Si la police croyait qu’elle n’en entendrait plus jamais parler, eh bien ! la police se trompait — ce qui se voit en Amérique comme ailleurs.

Alors, passé le premier mouvement de stupeur, les plus avisés coururent au téléphone, afin de prévenir les diverses stations en prévision des dangers qui menaçaient le ring des automobiles éparpillées sur la route, lorsque l’être quelconque qui dirigeait ce foudroyant appareil arriverait comme une avalanche. Elles seraient écrasées, broyées, anéanties, et qui sait même si de cette épouvantable collision il ne sortirait pas, lui, sain et sauf ?…

Après tout, il devait être si adroit, ce chauffeur des chauffeurs, il devait manier sa machine avec une telle sûreté de coup d’œil