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maître du monde

non sans avoir plusieurs fois rempli son verre et le mien. Au milieu des bouffées de sa pipe, l’attention qu’il me prêtait ne me laissait aucun doute. Je voyais son teint s’animer par instants, ses yeux briller sous leurs épais sourcils. Évidemment, le premier magistrat de Morganton était inquiet de ce qui se passait au Great-Eyry et il ne devait pas être moins impatient que moi de découvrir la cause de ces phénomènes.

Dès que j’eus achevé ma communication, Élias Smith, me regardant en face, resta quelques instants silencieux.

« Enfin, me dit-il, là-bas à Washington, on voudrait bien savoir ce que le Great-Eyry a dans le ventre ?

— Oui, monsieur Smith…

— Et vous aussi ?…

— En effet !…

— Moi de même, monsieur Strock ! »

Et, pour peu que le maire de Morganton fût un curieux de mon espèce, cela ferait bien la paire !

« Vous le comprenez, ajouta-t-il, en secouant les cendres de sa pipe, en ma qualité de propriétaire, les histoires du Great-Eyry m’intéressent, et, en ma qualité de maire, j’ai à me préoccuper de la situation de mes administrés…

— Double raison, répondis-je, et qui a dû, monsieur Smith, vous inciter à rechercher la cause des phénomènes qui pourraient bouleverser toute la région !… Et, sans doute, ils vous auront paru inexplicables, non moins qu’inquiétants pour la population du district…

— Inexplicables, surtout, monsieur Strock, car, pour mon compte, je ne crois guère que ce Great-Eyry soit un cratère, puisque la chaîne des Alleghanys n’est en aucun point volcanique. Nulle part, ni dans les gorges des Cumberland, ni dans les vallées des Montagnes-Bleues, ne se trouvent traces de cendres, de scories, de laves et autres matières éruptives. Je ne pense donc