Page:Verne - Maître du monde, Hetzel, 1904.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
le dernier mot à la vieille grad

dans un train en partance pour Washington, ma ville natale que, plus d’une fois, j’avais désespéré de revoir !…

Tout d’abord, je me rendis à l’hôtel de la police, voulant que ma première visite fût pour M. Ward.

Quelles furent la surprise, la stupéfaction et aussi la joie de mon chef, quand la porte du cabinet s’ouvrit devant moi !… N’avait-il pas toutes raisons de croire, d’après le rapport de mes compagnons, que j’eusse péri dans les eaux du lac Érié ?…

Je le mis au courant de ce qui s’était passé depuis ma disparition, — la poursuite des destroyers sur le lac, l’envolement de l’Épouvante au-dessus des chutes du Niagara, la halte dans l’enceinte du Great-Eyry, la catastrophe pendant l’orage à la surface du golfe du Mexique. Il apprit alors que l’appareil créé par le génie de ce Robur pouvait se transporter à travers l’espace, comme il le faisait sur terre et sur mer…

Et, au vrai, est-ce que la possession d’un tel engin ne justifiait pas ce nom de « Maître du Monde » que s’était donné son créateur ?… Assurément, et ce qui est certain, c’est que la sécurité publique aurait été menacée à jamais, car les moyens défensifs lui eussent toujours manqué.

Mais l’orgueil que j’avais vu s’accroître peu à peu chez cet homme prodigieux l’avait poussé à lutter, au milieu des airs, contre le plus terrible des éléments, et c’était miracle que je fusse sorti sain et sauf de cette effroyable catastrophe.

C’est à peine si M. Ward put croire à mon récit.

« Enfin, mon cher Strock, me dit-il, vous êtes de retour, et c’est le principal !… Après ce fameux Robur, vous voici l’homme du jour !… J’espère que cette situation ne vous fera pas perdre la tête, par vanité, comme à ce fou d’inventeur…

— Non, monsieur Ward, répondis-je. Vous conviendrez toutefois que jamais curieux, avide de satisfaire sa curiosité n’aura été mis à de telles épreuves…