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au nom de la loi ! ...

Une chaude journée s’annonçait avec de gros nuages livides qui s’élevaient du couchant. Ces symptômes d’un prochain orage n’échappèrent point à Robur, lorsque, vers huit heures, montant sur le pont, il remplaça Turner. Peut-être, le souvenir lui revenait-il de cette trombe dans laquelle l’Albatros avait failli se perdre, et du formidable cyclone dont il n’était sorti que par miracle au-dessus des parages antarctiques ?…

Il est vrai, ce que n’eût pu faire un aéronef, en pareil cas, un aviateur le ferait. Il abandonnerait les hautes zones où les éléments seraient en lutte, il redescendrait à la surface de la mer, et si la houle s’y déchaînait avec trop de violence, il saurait retrouver le calme dans ses tranquilles profondeurs.

D’ailleurs, à quelques indices, — il possédait sans doute les qualités d’un « weather-wise », — Robur estima que l’orage n’éclaterait pas ce jour-là. Il maintint donc son vol, et, l’après-midi, lorsqu’il se remit en navigation, ce ne fut point par crainte de mauvais temps. L’Épouvante est un oiseau marin, frégate ou alcyon, qui peut se reposer sur les flots, avec cette différence que la fatigue n’a aucune prise sur ses organes métalliques, actionnés par l’inépuisable électricité.

Du reste, cette vaste étendue d’eau était déserte. Ni une voile ni une fumée même aux dernières limites de l’horizon. Le passage de l’aviateur à travers les couches aériennes n’aurait donc pu être signalé.

L’après-midi ne fut marqué par aucun incident. L’Épouvante ne marchait qu’à moyenne vitesse. Quelles étaient les intentions de son capitaine, je n’aurais pu le deviner. À suivre cette direction, il rencontrerait l’une ou l’autre des Grandes Antilles, puis, au fond du golfe, le littoral du Venezuela ou de la Colombie. Mais, la nuit prochaine, peut-être l’aviateur reprendrait-il les routes de l’air pour franchir ce long isthme du Guatemala et du Nicaragua, afin de gagner l’île X, dans les parages du Pacifique ?…