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vue d’une longue absence. Et qui sait si l’Épouvante n’allait pas s’aventurer à travers d’immenses espaces, si son capitaine n’avait pas l’intention de regagner cette île X en plein océan Pacifique ?… Parfois, je le voyais errer pensivement à travers l’enceinte, s’arrêter, lever un bras vers le ciel, le dresser contre ce Dieu avec lequel il prétendait partager l’empire du monde !… Et son orgueil immense ne le conduirait-il pas à la folie, — folie que ses compagnons, non moins extravagants, ne pourraient maîtriser ?… À quelles invraisemblables aventures ne se laisseraient-ils pas entraîner ?… Ne se croirait-il pas plus fort que les éléments qu’il bravait, si audacieusement déjà, alors qu’il ne disposait que d’un aéronef ?… Maintenant, la terre, les eaux, les airs ne lui offraient-ils pas un champ infini, où nul ne pouvait le poursuivre ?…

Je devais donc tout craindre de l’avenir, même les pires catastrophes. Quant à m’échapper du Great-Eyry avant d’être entraîné dans un nouveau voyage, c’était impossible ! Puis, lorsque l’Épouvante serait en cours de vol ou de navigation, comment m’évader, à moins qu’elle ne courût les routes à moyenne vitesse ?… Faible espoir, on en conviendra !

On le sait, depuis mon arrivée au Great-Eyry, j’avais essayé d’obtenir une réponse de Robur, en ce qui me concernait, mais inutilement. Ce jour-là, je fis une nouvelle démarche.

L’après-midi, j’allais et venais devant la principale grotte de l’enceinte. Posté à l’entrée, Robur me suivait des yeux avec une certaine insistance. Est-ce qu’il avait l’intention de me parler ?…

Je m’approchai.

« Capitaine, dis-je, je vous ai déjà posé une question à laquelle vous n’avez pas voulu répondre… Cette question, je la renouvelle : Que voulez-vous faire de moi ? »

Nous étions en face l’un de l’autre, à deux pas. Les bras