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savais-je en somme ?… En admettant que son multiple mécanisme fût actionné par l’électricité, et que cette électricité, comme l’Albatros, il la tirât par des procédés nouveaux de l’air ambiant, comment était disposé ce mécanisme ?… On ne m’en avait laissé, on ne m’en laisserait rien voir.

Sur la question de ma liberté, et si elle me serait rendue quelque jour, je me disais :

« Assurément, Robur tient à rester inconnu… Quant à ce qu’il compte faire de son appareil, je crains, — me rappelant ses menaces, — qu’on n’en doive attendre plus de mal que de bien !… En tout cas, cet incognito qu’il a gardé dans le passé, nul doute qu’il ne veuille le conserver dans l’avenir !… Or, un seul homme est capable d’établir l’identité du Maître du Monde et de Robur-le-Conquérant : cet homme, c’est moi, son prisonnier, moi qui ai le droit de l’arrêter, moi qui ai le devoir de lui mettre la main sur l’épaule au nom de la loi !…

D’autre part, comment attendre un secours du dehors ?… Évidemment non. Les autorités n’ignoraient plus rien de ce qui s’était passé à Black-Rock… Les agents John Hart et Nab Walker avaient dû rentrer à Washington avec Wells… M. Ward, mis au courant, ne pouvait se faire illusion sur mon sort, et la question se posait en ces termes :

Ou, lorsque l’Épouvante quitta la crique, m’entraînant au bout de son amarre, j’avais été noyé dans les eaux de l’Érié ; ou, recueilli à bord de l’Épouvante, j’étais entre les mains de son capitaine.

Dans le premier cas, il n’y avait plus qu’à faire son deuil de John Strock, inspecteur principal de police à Washington.

Dans le second, comment espérer de jamais le revoir ?…

On le sait, pendant le reste de la nuit et la journée suivante, l’Épouvante navigua à la surface de l’Érié. Vers quatre heures, aux approches de Buffalo, deux destroyers lui donnèrent la