Page:Verne - Maître du monde, Hetzel, 1904.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
robur-le-conquérant

Il y eut comme un mouvement général pour envahir la clairière.

Alors la voix de Robur se fit entendre, et voici textuellement les paroles qu’il prononça :

« Citoyens des États-Unis, le président et le secrétaire du Weldon-Institut sont de nouveau en mon pouvoir. En les gardant, je ne ferais qu’user de mon droit de représailles. Mais, à la passion qu’excitent les succès de l’Albatros, j’ai compris que l’état des esprits n’était pas prêt pour l’importante révolution que la conquête de l’air doit amener un jour ! Uncle Prudent, Phil Evans, vous êtes libres. »

Le président, le secrétaire du Weldon-Institut, l’aéronaute Tinder eurent en un instant sauté à terre, et l’aéronef remonta d’une trentaine de pieds au-dessus du sol, hors de toute atteinte.

Robur continua en ces termes :

« Citoyens des États-Unis, mon expérience est faite, mais il ne faut arriver qu’à son heure… C’est trop tôt encore pour avoir raison des intérêts contradictoires et divisés. Je pars donc, et j’emporte mon secret avec moi. Il ne sera pas perdu pour l’humanité, et lui appartiendra le jour où elle sera assez instruite pour n’en jamais abuser. Salut, citoyens des États-Unis ! »

Puis, l’Albatros, enlevé par ses hélices, poussé par ses propulseurs, disparut dans la direction de l’est au milieu des hourras de la foule.

J’ai tenu à rapporter cette dernière scène en détail, et pour la raison qu’elle fait connaître l’état d’esprit de cet étrange personnage. Il ne paraissait pas qu’il fût alors animé de sentiments hostiles contre l’humanité. Il se contentait de réserver l’avenir. Mais, assurément, on sentait dans son attitude l’inébranlable confiance qu’il avait en son génie, l’immense orgueil que lui inspirait sa surhumaine puissance.

On ne s’étonnera donc pas que ces sentiments se fussent peu