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maître du monde

fermes, plus réfléchis, ne s’étaient point mêlés à cette foule épouvantée que leurs efforts n’avaient pu retenir.

Partis en observation jusqu’à un mille de la chaîne, ils se rendirent compte que l’éclat des flammes diminuait, et peut-être celles-ci finiraient-elles par s’éteindre. Au vrai, il ne paraissait pas que la région fût menacée d’une éruption. Aucune pierre n’était lancée dans l’espace, aucun torrent de lave ne dévalait des talus de la montagne, aucune rumeur ne courait à travers les entrailles du sol… Nulle manifestation de ces troubles sismiques qui peuvent en un instant, bouleverser tout un pays.

Cette observation fut donc faite, et justement faite : c’est que l’intensité du feu devait décroître à l’intérieur du Great-Eyry. La réverbération des nuages s’affaiblissait peu à peu, la campagne serait bientôt plongée jusqu’au matin dans une profonde obscurité.

Cependant la cohue des fuyards s’était arrêtée à une distance qui la mettait à l’abri de tout danger. Puis, ils se rapprochèrent, et quelques villages, quelques fermes furent réintégrés avant les premières lueurs du matin.

Vers quatre heures, c’est à peine si les bords du Great-Eyry se teignaient de vagues reflets. L’incendie prenait fin, faute d’aliment sans doute, et, bien qu’il fût encore impossible d’en déterminer la cause, on put espérer qu’il ne se rallumerait pas.

En tout cas, ce qui parut probable, c’est que le Great-Eyry n’avait point été le théâtre de phénomènes volcaniques. Il ne semblait donc pas que, dans son voisinage, les habitants fussent à la merci soit d’une éruption, soit d’un tremblement de terre.

Mais voici que, vers cinq heures du matin, au-dessus des crêtes de la montagne, encore noyées de l’ombre nocturne, un bruit étrange se fit entendre à travers l’atmosphère, une sorte de halètement régulier, accompagné d’un puissant battement d’ailes.