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maître du monde

sées qu’une certaine agitation se produisit à bord. Des paroles échangées dans la chambre des machines se faisaient entendre. Un bruit de mécanisme les accompagnait. Je crus comprendre qu’une avarie obligeait le submersible de revenir à la surface…

Je ne me trompais pas. En un instant, la demi-obscurité de ma cabine s’imprégna de lumière. L’Épouvante venait d’émerger… J’entendais marcher sur le pont, dont les panneaux se rouvrirent, même le mien…

Le capitaine avait repris sa place à la barre, tandis que ses deux hommes étaient occupés à l’intérieur.

Je regardai si les destroyers étaient en vue… Oui… à un quart de mille seulement. L’Épouvante réaperçue, ils lui donnaient déjà la chasse. Mais, cette fois, ce fut dans la direction du Niagara.

Je ne compris rien à cette manœuvre, je l’avoue. Engagé dans ce cul-de-sac, ne pouvant plus plonger par suite d’avarie, l’appareil trouverait sa route barrée par les destroyers, lorsqu’il voudrait revenir en arrière. Chercherait-il donc à atterrir, à s’enfuir, sous la forme d’automobile, soit à travers l’État de New York, soit à travers le territoire canadien ?…

L’Épouvante avait alors un demi-mille d’avance. Les destroyers la poursuivaient à toute vapeur, dans des conditions défavorables, il est vrai, pour l’atteindre avec leurs pièces de chasse.

Elle se contentait de garder cette distance. Pourtant, il lui eût été facile de l’accroître, et, à la nuit tombante, de revenir vers les parages de l’ouest !

Déjà Buffalo s’effaçait sur la droite, et, un peu après sept heures, apparut l’entrée du Niagara. S’il s’y engageait, sachant qu’il n’en pouvait plus sortir, le capitaine aurait perdu raison… Et, au fait, n’était-il pas fou, celui qui se proclamait, qui se croyait Maître du Monde ?…