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ton ?… Et enfin, quel lien le rattachait au Great-Eyry ?… Qu’il pût, par des canaux souterrains, s’introduire dans le lac Kirdall, soit ! Mais à travers l’infranchissable enceinte, non… cela, non !…

Vers quatre heures de l’après-midi, étant donné la vitesse de l’Épouvante, d’une part, et sa direction, de l’autre, nous ne devions pas être à plus de quinze milles de Buffalo, dont la silhouette ne tarderait pas à se dessiner au nord-est.

Au cours de cette navigation, si quelques bâtiments furent aperçus, ils passaient à longue distance, et, cette distance, le capitaine la tenait telle qu’il lui convenait. Au surplus, l’Épouvante était peu visible à la surface du lac, et, au-delà d’un mille, difficile à apercevoir.

Cependant, les hauteurs encadrant la pointe de l’Érié commençaient à se profiler en formant, au-delà de Buffalo, cet entonnoir, par lequel l’Érié déverse ses eaux dans le lit du Niagara. Quelques dunes s’arrondissaient sur la droite, des bouquets d’arbres se groupaient çà et là. J’apercevais au large plusieurs navires de commerce ou chaloupes de pêche à voile ou à vapeur.

Le ciel se salissait par endroits de panaches fumeux que rabattait une légère brise de l’est.

À quoi donc songeait le capitaine, en se dirigeant vers ce port ?… La prudence ne lui interdisait-elle pas de s’y aventurer ?… Aussi, à chaque instant, m’attendais-je à ce qu’il donnât un coup de barre pour revenir vers la rive occidentale du lac… à moins qu’il n’eût l’intention de s’immerger afin de passer la nuit dans les profondeurs de l’Érié ?…

Mais cette persistance à tenir le cap sur Buffalo, impossible de la comprendre !…

À ce moment, le timonier, dont les yeux interrogeaient le nord-est, fit un signe à son compagnon. Celui-ci, se relevant, vint