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maître du monde

On aurait pu faire observer, tout au moins, que dans le cas d’une éruption, les fracas se fussent accentués. Des flammes auraient apparu sur la crête de la chaîne. Les coulées incandescentes n’auraient pu échapper aux regards à travers les ténèbres. Or, à personne ne venait cette réflexion, et ces épouvantés assuraient que leurs maisons avaient ressenti les secousses du sol. Il était possible, d’ailleurs, que ces secousses fussent causées par la chute d’un bloc rocheux qui se serait détaché des flancs de la chaîne.

Tous attendaient, en proie à une mortelle inquiétude, prêts à s’enfuir vers Pleasant-Garden ou Morganton.

Une heure s’écoula sans autre incident. À peine si une brise de l’ouest, en partie arrêtée contre le long écran des Apalaches, se faisait sentir à travers le rude feuillage des conifères, agglomérés dans les bas-fonds des marécages.

Il n’y eut donc pas de nouvelle panique et chacun se disposa à réintégrer sa maison. Il semblait bien qu’il n’y eût plus rien à craindre, et, pourtant, il tardait à tous que le jour reparût.

Qu’un éboulement se fût produit, tout d’abord, qu’un énorme bloc eût été précipité des hauteurs du Great-Eyry, cela ne paraissait pas douteux. Aux primes lueurs de l’aube, il serait facile de s’en assurer, en longeant la base de la chaîne sur une étendue de quelques milles. Mais voici que — vers trois heures du matin — autre alerte, des flammes se dressèrent au-dessus de la bordure rocheuse. Reflétées par les nuages, elles illuminaient l’atmosphère sur un large espace. En même temps, des crépitements se faisaient entendre.

Était-ce un incendie qui s’était spontanément déclaré à cette place, et à quelle cause eût-il été dû ?… Le feu du ciel ne pouvait l’avoir allumé… Aucun éclat de foudre ne troublait les airs… Il est vrai, les aliments ne lui eussent pas manqué. À cette hau-