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ce qui se passe dans le pays

reproduisirent encore, accompagnées de vapeurs fuligineuses, de lueurs vacillantes que réverbéraient les nuages. On comprendra donc que les inquiétudes ne pussent se calmer. Aussi, le pays demeurait-il sous la menace de phénomènes sismiques ou volcaniques.

Or, dans les premiers jours d’avril de cette année-là, voici que les appréhensions, plus ou moins vagues jusqu’alors, eurent des motifs sérieux de tourner à l’épouvante. Les journaux de la région firent promptement écho à la terreur publique. Tout le district compris entre la chaîne et la bourgade de Morganton dut redouter un bouleversement prochain.

La nuit du 4 au 5 avril, les habitants de Pleasant-Garden furent réveillés par une commotion qui fut suivie d’un bruit formidable. De là, irrésistible panique, à la pensée que cette partie de la chaîne venait de s’effondrer. Sortis des maisons, tous étaient prêts à s’enfuir, craignant de voir s’ouvrir quelque immense abîme où s’engloutiraient fermes et villages sur une étendue de dix à quinze milles.

La nuit était très obscure. Un plafond d’épais nuages s’appesantissait sur la plaine. Même en plein jour, l’arête des Montagnes-Bleues n’eût pas été visible.

Au milieu de cette obscurité, impossible de rien distinguer, ni de répondre aux cris qui s’élevaient de toutes parts. Des groupes effarés, hommes, femmes, enfants, cherchaient à reconnaître les chemins praticables et se poussaient en grand tumulte. De-çà, de-là, s’entendaient des voix effrayées :

« C’est un tremblement de terre !…

— C’est une éruption !…

— D’où vient-elle ?

— Du Great-Eyry… »

Et jusqu’à Morganton courut la nouvelle que des pierres, des laves, des scories, pleuvaient sur la campagne.