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maître du monde

notre campement à l’intérieur. Nous sommes certains de ne pas être dépistés…

— La voiture peut-elle circuler sous ces arbres ?…

— Elle le peut, déclara Wells. J’ai déjà parcouru ce bois en tout sens. Dans une clairière, à cinq ou six cents pas d’ici, nos chevaux trouveront à pâturer… Dès que l’obscurité le permettra, nous descendrons la grève jusqu’au pied des roches qui encadrent le fond de la crique. »

Il n’y avait qu’à suivre les conseils de Wells. L’attelage, conduit par la bride, mes compagnons et moi à pied, nous franchîmes la lisière.

Les pins maritimes, les chênes verts, les cyprès, irrégulièrement groupés, se pressaient à l’intérieur. Sur le sol s’étendait un épais tapis d’herbes mêlées de feuilles mortes. Telle était l’épaisseur des hautes frondaisons que les derniers rayons du soleil, au moment de disparaître, ne parvenaient point à les pénétrer. De routes, de sentiers même on ne voyait trace. Cependant, non sans quelques heurts, le break eut atteint la clairière en moins de dix minutes.

Cette clairière, entourée de grands arbres, formait une sorte d’ovale, que revêtait une herbe verdoyante. Il y faisait jour encore, et l’ombre ne l’envahirait que dans une heure. Le temps ne manquerait donc pas pour organiser la halte, et nous reposer d’un voyage assez fatigant sur une route passablement cahoteuse.

Assurément, notre désir était impérieux de gagner la crique, de voir si l’Épouvante était toujours là… Mais la prudence nous retint. Un peu de patience, et l’obscurité permettrait d’atteindre la crique, sans risquer d’être aperçus. Ce fut l’avis de Wells, et il me parut bon de m’y conformer.

Les chevaux, dételés et laissés libres sur le pâturage, resteraient sous la garde de leur conducteur pendant notre