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une dizaine de pas sur le trottoir et revenaient prendre leur poste.

« Ce sont bien les individus que vous aviez déjà remarqués, Grad ?… demandai-je.

— Sûrement, monsieur ! »

En somme, je ne pouvais plus croire à une erreur de ma vieille servante, et je me promis d’éclaircir cette affaire. Quant à suivre moi-même ces hommes, non ! ils m’auraient aussitôt reconnu et à quoi m’eût servi de m’adresser directement à eux ?… Aujourd’hui même, un agent sera de garde devant la maison, et, s’ils reparaissent le soir ou le lendemain, on les filera à leur tour… On les accompagnera jusqu’où il leur plaira d’aller, et leur identité finira par être établie.

Maintenant, m’attendaient-ils pour m’escorter jusqu’à l’Hôtel de la police ?… C’est ce que j’allais voir, et, s’ils le faisaient, ce serait peut-être l’occasion de leur offrir une hospitalité dont ils ne nous remercieraient pas.

Je pris mon chapeau, et, tandis que Grad restait près de la fenêtre, je descendis, j’ouvris la porte, je mis le pied dans la rue.

Les deux hommes n’étaient plus là.

Mais leur signalement, gravé dans ma mémoire, ne s’en effacerait plus.

Malgré toute l’attention que j’y apportai, je ne pus les apercevoir.

À partir de ce jour, d’ailleurs, ni Grad ni moi, nous ne les revîmes devant la maison, et ils ne se rencontrèrent plus sur ma route.

Peut-être, après tout, en admettant que j’eusse été l’objet d’un espionnage, savaient-ils de moi ce qu’ils désiraient savoir, maintenant qu’ils m’avaient vu de leurs yeux, et je finis par ne point accorder à cette affaire plus d’importance qu’à la lettre aux initiales M. D. M.