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bénitiers, contre des couteaux et des hameçons, puis, les îles Sydenham et Henderville, aux habitants entièrement nus; puis, Woolde, Hupper, Hall, Knox, Charlotte, Matthews qui forment l'archipel Gilbert, enfin les groupes des Mulgraves et de Marshall. Le 3 juin, Duperrey reconnut l'île Ualan, qui avait été découverte en 1804 par le capitaine américain Croser. Comme elle ne figurait pas sur les cartes, le commandant résolut d'en prendre une connaissance précise et détaillée. L'ancre n'eut pas plus tôt mordu le fond, que Duperrey et quelques-uns de ses officiers se faisaient descendre à terre. Ils y trouvèrent un peuple doux et bienveillant, qui, leur offrant des cocos et des fruits de l'arbre à pain, les conduisirent, à travers les sites les plus pittoresques, jusqu'à la demeure de leur chef principal, leur «uross-tôn», comme ils l'appelaient. Voici, d'après Dumont d'Urville, la peinture des sites qu'ils durent traverser avant d'arriver en présence de ce haut personnage: «Nous flottions paisiblement au milieu d'un spacieux bassin que ceignaient les verdoyantes forêts du rivage. Derrière nous s'élevaient les hautes sommités de l'île, couvertes de tapis épais de verdure, au-dessus desquels s'élançaient les tiges élégantes et mobiles des cocotiers. Devant nous surgissait, au milieu des flots, la petite île de Leilei, entourée des jolies cabanes des insulaires et couronnée par un monticule de verdure... Qu'on joigne à cela une journée magnifique, une température délicieuse, et l'on pourra se faire une idée des sentiments qui remplissaient nos âmes, dans cette sorte de marche triomphale, au milieu d'un peuple simple, paisible et généreux.» Une foule, que d'Urville évalue à huit cents personnes, attendait les embarcations devant un village propre et coquet, aux rues bien pavées. Tout ce monde, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, gardait un silence vraiment imposant. Deux chefs vinrent prendre les voyageurs par la main et les guidèrent vers la demeure de l'uross-tôn. La foule, toujours silencieuse, demeura dehors, tandis que les Français entraient dans la case. Bientôt parut l'uross-tôn, vieillard hâve et défait, affaissé par les années, et qui devait avoir quatre-vingts ans. Par politesse, les Français se levèrent à son entrée dans la salle, mais un murmure des assistants leur apprit qu'ils venaient de manquer aux usages. Ils jetèrent un regard autour d'eux. Tout le monde était prosterné le front dans la poussière. Les chefs eux-mêmes n'avaient pu se dérober à cette marque de respect. Le vieillard, un moment interdit de l'audace des étrangers, imposa cependant silence à ses sujets, et vint s'asseoir auprès d'eux. De petites tapes