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LES VOYAGEURS DU XIXe SIÈCLE.

et de ses vêtements par une bande de pillards. Il ne lui restait plus que sa culotte, lorsque la femme d'un chef, qui n'avait pas eu sa part du butin, voulut lui enlever ce vêtement indispensable. «Ces courses, dit la Revue Germanique, nous ont valu une masse considérable de renseignements sur des pays dont on n'avait jusqu'alors quelque notion que par les communications encore incomplètes de Seetzen. Même dans les cantons déjà fréquemment visités, l'esprit observateur de Burckhardt savait recueillir nombre de faits intéressants, que le commun des voyageurs avait négligés... Ces précieux matériaux eurent pour éditeur le colonel Martin-William Leake, lui-même voyageur distingué, savant géographe et profond érudit....» Burckhardt avait vu Palmyre et Baalbek, les pentes du Liban et la vallée de l'Oronte, le lac Hhouleh et les sources du Jourdain. Il avait signalé pour la première fois un grand nombre d'anciens sites. Ses indications, notamment, nous conduisent avec certitude à l'emplacement de la célèbre Apamée, quoique lui-même et son savant éditeur se soient trompés dans l'application de ces données. Enfin ses courses dans l'Auranitis sont également riches, même après celles de Seetzen, en renseignements géographiques et archéologiques qui font connaître le pays dans son état actuel, et jettent de vives lumières sur la géographie comparée de toutes les époques. En 1812, Burckhardt quitte Damas, visite la mer Morte, la vallée d'Acaba et le vieux port d'Aziongaber, régions aujourd'hui sillonnées par des bandes d'Anglais, le Murray, le Cook ou le Bædeker à la main, mais qu'on ne pouvait alors parcourir qu'au péril de la vie. C'est dans une vallée latérale que le voyageur retrouva les ruines imposantes de Petra, l'antique capitale de l'Arabie Pétrée. A la fin de l'année, Burckhardt était au Caire. Ne jugeant pas à propos de se joindre à la caravane qui partait pour le Fezzan, il se sentit tout particulièrement attiré par la Nubie, contrée bien autrement curieuse pour l'historien, le géographe et l'archéologue. Berceau de la civilisation égyptienne, elle n'avait encore été visitée, depuis le Portugais Alvarès, que par les Français Poncet et Lenoir Duroule, à la fin du XVIIe et au commencement du XVIIIe siècle, par Bruce, dont le récit avait été tant de fois mis en doute, et par Norden, qui n'avait pas dépassé Derr. En 1813, Burckhardt explore le Nouba propre, le pays de Kennour et le Mohass. Cette excursion ne lui coûta que quarante-deux francs, somme bien modique, si on la compare aux prix qu'atteignent aujourd'hui les moindres tentatives de voyage en Afrique. Il est vrai que Burckhardt savait se contenter