Page:Verne - Les voyageurs du XIXe siècle, 1880.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
LES VOYAGEURS DU XIXe SIÈCLE.

bien connus dans l’histoire juive, les Ammonites, les Moabites, les Galadites, les Batanéens, etc. La partie méridionale de cette contrée portait, au temps de la conquête romaine, le nom de Pérée, et c’est là que se trouvait la célèbre Decapolis, ou Ligue des dix villes. Aucun voyageur moderne n’avait visité cette région. Ce fut pour Seetzen un motif d’y commencer ses recherches.

Ses amis de Damas essayèrent de le dissuader de ce voyage en lui peignant les difficultés et les dangers d’une route fréquentée par les Bédouins, mais rien ne pouvait l’arrêter. Cependant, avant de visiter la Décapole et de constater l’état de ses ruines, Seetzen parcourut un petit pays, le Ladscha, très mal famé à Damas, à cause des Bédouins qui l’occupent, mais qui passait pour renfermer des antiquités remarquables.

Parti de Damas le 12 décembre 1805, avec un guide arménien qui l’égara dès le premier jour, Seetzen, prudemment muni d’un passe-port du pacha, se fit accompagner de village en village par un cavalier en armes.

« La partie du Ladscha que j’ai vue, dit le voyageur dans une relation reproduite dans les anciennes Annales des Voyages, n’offre, comme le Haouran, que du basalte, souvent très poreux, et qui forme en plusieurs endroits de vastes déserts de pierres. Les villages, pour la plupart détruits, sont situés sur le flanc des rochers. La couleur noire des basaltes, les maisons, églises et tours écroulées, le défaut total d’arbres et de verdure, tout donne à ces contrées un aspect sombre et mélancolique qui remplit l’âme d’une certaine terreur. Presque chaque village offre, ou des inscriptions grecques, ou des colonnes, ou quelques autres restes de l’antiquité. (J’ai copié, entre autres, une inscription de l’empereur Marc-Aurèle.) Les battants des portes sont, ici comme dans le Haouran, de basalte. »

À peine Seetzen était-il arrivé dans le village de Gérata et goûtait-il quelques instants de repos, qu’une dizaine d’hommes à cheval lui annoncèrent qu’ils étaient venus, au nom du vice-gouverneur du Haouran, pour l’arrêter. Leur maître, Omar-Aga, ayant appris que le voyageur avait été déjà vu l’année précédente dans le pays, et supposant que ses passeports étaient faux, leur avait prescrit de le lui amener.

La résistance était impossible. Sans s’émouvoir de cet incident qu’il considérait comme un simple contre-temps, Seetzen s’avança d’une journée et demie dans le Haouran, où il rencontra Omar-Aga sur la route de la caravane de la Mecque.

Fort bien accueilli, le voyageur repartit le lendemain ; mais la rencontre qu’il fit en route de plusieurs troupes d’Arabes, auxquelles il imposa par sa