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LES PRÉCURSEURS DU CAPITAINE COOK.

phin, il en était une qui semblait porter quelque chef, car c’était d’elle qu’était venu le signal du combat. Un coup de canon bien dirigé vint séparer en deux cette pirogue double. Il n’en fallut pas davantage pour décider les naturels à la retraite. Ils l’opérèrent même avec une telle précipitation, qu’une demi-heure plus tard, pas une seule embarcation ne restait en vue. Le navire fut alors toué dans le port et disposé pour protéger le débarquement. À la tête d’un fort détachement de matelots et de soldats de marine, le lieutenant Furneaux prit terre, planta le pavillon anglais et prit possession de l’île au nom du roi d’Angleterre, en l’honneur duquel elle reçut le nom de Georges III. C’est la Taïti des indigènes.

Après s’être prosternés et avoir donné des marques de leur repentir, les naturels semblaient vouloir nouer avec les étrangers un commerce amical et de bonne foi, lorsque Wallis, qu’une grave indisposition retenait à bord, s’aperçut qu’une attaque simultanée par terre et par mer se préparait contre ses hommes occupés à faire de l’eau. Plus courte serait la lutte, moins elle serait meurtrière. Aussi, quand il vit les naturels à portée du canon, il fit tirer quelques volées qui suffirent à disperser leur flottille.

Pour éviter le retour de ces tentatives, il fallait faire un exemple. Wallis s’y détermina à regret. Il expédia immédiatement à terre un fort détachement avec ses charpentiers, pour détruire toutes les pirogues qui avaient été hâlées sur le rivage. Plus de cinquante, dont quelques-unes longues de soixante pieds, furent mises en pièces. Cette exécution détermina les Taïtiens à se soumettre. Ils déposèrent des cochons, des chiens, des étoiles et des fruits sur le rivage, puis se retirèrent. On leur laissa en échange des haches et des babioles, qu’ils emportèrent dans les forêts avec de grandes démonstrations de joie. La paix était faite, et dès le lendemain s’établit un commerce régulier et abondant, qui procura à discrétion des vivres frais aux équipages.

Il y avait lieu d’espérer que les relations amicales se continueraient durant le séjour des Anglais, maintenant que les naturels avaient éprouvé la puissance et la portée des armes des étrangers. Wallis fit donc dresser une tente près de l’aiguade et débarqua ses nombreux scorbutiques, pendant que les hommes valides s’occupaient à raccommoder les agrès, à rapiécer les voiles, à calfater, à repeindre le navire, à le mettre, en un mot, en état de fournir la longue course qui devait le ramener en Angleterre.

À ce moment, la maladie de Wallis prit un caractère alarmant. Le premier lieutenant n’était guère en meilleure santé. Toute la responsabilité retomba donc sur le lieutenant Furneaux, qui ne resta pas au-dessous de sa tâche. Au bout de