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LES PRÉCURSEURS DU CAPITAINE COOK.

« Nous prîmes, dit Wallis, la mesure de ceux qui étaient les plus grands. L’un d’eux avait six pieds six pouces, plusieurs avaient cinq pieds cinq pouces, mais la taille du plus grand nombre était de cinq pieds six pouces ou six pieds. »

Notez qu’il s’agit ici de pieds anglais, qui ne sont que de 305 millimètres. Si la taille de ces naturels n’égalait pas celle des géants dont avaient parlé les premiers voyageurs, elle n’en était pas moins très extraordinaire.

« Chacun, ajoute la relation, avait à sa ceinture une arme de trait singulière : c’étaient deux pierres rondes couvertes de cuir et pesant chacune environ une livre, qui étaient attachées aux deux bouts d’une corde d’environ huit pieds de long. Ils s’en servent comme d’une fronde, en tenant une des pierres dans la main et en faisant tourner l’autre autour de la tête jusqu’à ce qu’elle ait acquis une force suffisante ; alors, ils la lancent contre l’objet qu’ils veulent atteindre. Ils sont si adroits à manier cette arme, qu’à la distance de quinze verges, ils peuvent frapper des deux pierres à la fois un but qui n’est pas plus grand qu’un shilling. Ce n’est cependant pas leur usage d’en frapper le guanaque ni l’autruche quand ils font la chasse à ces animaux. »

Wallis emmena huit de ces Patagons à son bord. Ces sauvages ne se montrèrent pas aussi surpris qu’on l’aurait cru, à la vue de tant d’objets extraordinaires et nouveaux pour eux. Seul, un miroir eut le don d’exciter leur étonnement. Ils avançaient, reculaient, faisaient mille tours et grimaces devant la glace, riaient aux éclats et se parlaient avec animation les uns aux autres. Les cochons vivants les arrêtèrent un moment ; mais ils s’amusèrent surtout à regarder les poules de Guinée et les dindons. On eut beaucoup de peine à les décider à quitter le vaisseau. Ils regagnèrent pourtant le rivage, en chantant et en faisant des signes de joie à leurs compatriotes qui les attendaient sur la grève.

Le 17 décembre, Wallis fit signal au Swallow de prendre la tête de l’escadrille pour pénétrer dans le détroit de Magellan. Au port Famine, le commandant fit dresser à terre deux grandes tentes pour les malades, les coupeurs de bois et les voiliers. Du poisson en quantité suffisante pour en faire un repas chaque jour, une grande abondance de céleri et des fruits acides semblables à la canneberge et à l’épine-vinette, telles furent les ressources qu’offrit cette relâche, et qui, en moins de quinze jours, remirent complètement sur pied les nombreux scorbutiques du bord. Quant aux bâtiments, ils furent radoubés et calfatés en partie, les voiles raccommodées, les agrès et les manœuvres, qui avaient considérablement fatigué, dépassés et visités, et l’on fut bientôt en état de reprendre la mer.

Mais, auparavant, Wallis fit couper une grande quantité de bois, que l’on