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comptâmes dix-huit en moins de trente minutes. Pour bien examiner le fond du cratère, nous nous couchâmes sur le ventre, et je ne crois pas que l’imagination puisse se figurer quelque chose de plus triste, de plus lugubre et de plus effrayant que ce que nous vîmes alors. La bouche du volcan forme un trou circulaire de près d’une lieue de circonférence, dont les bords, taillés à pic, sont couverts de neige par en haut. L’intérieur est d’un noir foncé ; mais le gouffre est si immense, que l’on distingue la cime de plusieurs montagnes qui y sont placées ; leur sommet semblait être à trois cents toises au-dessous de nous ; jugez donc où doit se trouver leur base !

Sur le volcan d’Antisana, Humboldt s’éleva jusqu’à deux mille sept cent soixante-treize toises ; mais le sang qui jaillissait des lèvres, des yeux et des gencives des voyageurs les empêcha de monter plus haut. Quant au Cotopaxi, il leur fut impossible de parvenir à la bouche de son cratère.

Le 9 juin 1802, Humboldt, toujours accompagné de Bonpland, partit de Quito pour aller examiner le Chimboraço et le Tunguragua. Ils parvinrent à s’approcher jusqu’à deux cent cinquante toises de la cime du premier de ces volcans. Les mêmes accidents que sur l’Antisana les forcèrent à rétrograder. Quant au Tunguragua, son sommet s’est écroulé pendant le tremblement de terre de 1797, et sa hauteur, estimée par La Condamine être de deux mille six cent vingt toises, ne fut plus trouvée par Humboldt que de deux mille cinq cent trente et une.

De Quito, les voyageurs se rendirent à la rivière des Amazones, en passant par Lactacunga, Hambato et Rio-Bamba, pays dévasté par le tremblement de terre de 1797, et où avaient été engloutis sous l’eau et la boue plus de quarante mille habitants. En descendant les Andes, Humboldt et ses compagnons purent admirer les ruines de la chaussée de Yega, qui va de Cusco à Assuay, appelée le chemin de l’Inca. Elle était entièrement construite de pierres de taille et très bien alignée. On aurait dit un des plus beaux chemins romains. Dans les mêmes environs, se trouvent les ruines du palais de l’Inca Tupayupangi, dont La Condamine a donné la description dans les Mémoires de l’Académie de Berlin.

Après dix jours de séjour à Cuenca, Humboldt gagna le district de Jaen, leva la carte du Marañon, jusqu’au Rio-Napo, et combla, grâce aux observations astronomiques qu’il put faire, le desideratum que présentait la carte levée par La Condamine. Le 23 octobre 1802, Humboldt faisait son entrée à Lima, où il put observer avec succès le passage de Mercure.

Après un séjour d’un mois dans cette capitale, il partit pour Guyaquil, d’où il se rendit par mer à Acapulco, dans la Nouvelle-Espagne.