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LES DEUX AMÉRIQUES.

qui sont connues sous le nom de calenturas de Patia, nous passâmes au sommet de la Cordillère par des précipices affreux, pour aller de Popayan à Almager, et de là à Pasto, situé au pied d’un volcan terrible… »

Toute la province de Pasto est un plateau gelé, presque au-dessus du point où la végétation peut durer, et entouré de volcans et de soufrières qui dégagent continuellement des tourbillons de fumée. Les habitants n’ont pour se nourrir que la patate, et, si elle leur manque, ils sont réduits à se repaître d’un petit arbre appelé « achupalla », que les ours des Andes leur disputent. Après avoir été mouillés nuit et jour pendant deux mois, après avoir failli se noyer près de la ville d’Ibarra par suite d’une crue subite accompagnée de tremblement de terre, Humboldt et Bonpland arrivèrent, le 6 janvier 1802, à Quito, où le marquis de Selva-Alegre leur offrit une hospitalité cordiale et splendide.

La ville de Quito est belle ; mais le froid très vif et le voisinage des montagnes pelées qui l’entourent en rendent le séjour très triste. Depuis le grand tremblement de terre du 4 février 1797, la température s’était considérablement refroidie, et Bouguer, qui constatait à Quito une température constante de 15 à 16°, eût été étonné de la voir à 4-10° de Réaumur. Le Cotopaxi et le Pichincha, l’Antisana et l’Ilinaça, ces bouches différentes d’un même foyer plutonien, furent examinés en détail par les deux voyageurs, qui demeurèrent quinze jours auprès de chacun d’eux.

Deux fois, Humboldt parvint au bord du cratère du Pichincha, que personne, sauf La Condamine, n’avait encore vu.

« Je fis mon premier voyage, dit-il, seul avec un Indien. Comme La Condamine s’était approché du cratère par la partie basse de son bord, couverte de neige, c’est là que, en suivant ses traces, je fis ma première tentative. Mais nous manquâmes périr. L’Indien tomba jusqu’à la poitrine dans une crevasse, et nous vîmes avec horreur que nous avions marché sur un pont de neige glacée, car, à quelques pas de nous, il y avait des trous par lesquels le jour donnait. Nous nous trouvions donc, sans le savoir, sur des voûtes qui tiennent au cratère même. Effrayé, mais non pas découragé, je changeai de projet. De l’enceinte du cratère sortent, en s’élançant, pour ainsi dire, sur l’abîme, trois pics, trois rochers, qui ne sont pas couverts de neige, parce que les vapeurs qu’exhale la bouche du volcan la fondent sans cesse. Je montai sur un de ces rochers, et je trouvai à son sommet une pierre, qui, étant soutenue par un côté seulement et minée par-dessous, s’avançait en forme de balcon sur le précipice. Mais cette pierre n’a qu’environ douze pieds de longueur sur six de largeur, et est fortement agitée par des secousses fréquentes de tremblements de terre, dont nous