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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

gagnée avec quelques hommes. L’année suivante, il était retourné au Para par le même chemin, accompagné des jésuites d’Acunha et d’Artieda, qui publièrent le récit de ce voyage, dont la traduction parut en 1682.

La carte, dressée par Sanson sur cette relation, naturellement copiée par tous les géographes, était extrêmement défectueuse, et, jusqu’en 1717, il n’y en eut pas d’autre. À cette époque, fut publiée dans le tome XII des Lettres édifiantes, — précieux recueil où l’on rencontre une multitude d’informations des plus intéressantes pour l’histoire et la géographie, — la copie d’une carte dressée, dès 1690, par le père Fritz, missionnaire allemand. On y voit que le Napo n’était pas la vraie source de l’Amazone et que ce dernier, sous le nom de Marañon, sort d’un lac Cuanuco, à trente lieues de Lima vers l’orient. La partie inférieure du cours du fleuve était assez mal tracée, parce que le père Fritz, lorsqu’il le descendit, était trop malade pour observer exactement.

Parti de Tarqui, à cinq lieues de Cuenca, le 11 mai 1743, La Condamine passa par Zaruma, ville autrefois célèbre par ses mines d’or, et traversa plusieurs rivières sur ces ponts en liane, attachés aux deux rives, qui ressemblent à un immense hamac tendu d’un bord à l’autre. Puis, il gagna Loxa, située à quatre degrés de la ligne. Cette ville est placée quatre cents toises plus bas que Quito. Aussi y remarque-t-on une notable différence de température, et les montagnes, couvertes de bois, ne paraissent plus que des collines auprès de celles de Quito.

De Loxa à Jaen-de-Bracamoros, on traverse les derniers contreforts des Andes. Dans ce canton, la pluie tombe tous les jours pendant les douze mois de l’année ; aussi n’y faut-il pas faire un séjour de quelque durée. Tout ce pays était bien déchu de son antique prospérité ; Loyola, Valladolid, Jaca et la plupart des villes du Pérou, éloignées de la mer et du grand chemin de Carthagène à Lima, n’étaient plus alors que de petits hameaux. Et cependant, toute la contrée aux alentours de Jaca est couverte de cacaoyers sauvages, auxquels les Indiens ne font d’ailleurs pas plus d’attention qu’au sable d’or charrié par leurs rivières.

La Condamine s’embarqua sur le Chincipe, plus large à cet endroit que la Seine à Paris, et le descendit jusqu’à son confluent avec le Marañon. À partir de cet endroit, le Marañon commence d’être navigable, bien qu’il soit interrompu par quantité de sauts ou de rapides, et rétréci en bien des endroits jusqu’à n’avoir plus que vingt toises de large. Le plus célèbre de ces détroits est le pongo ou porte de Mansériché, lit creusé par le Marañon au milieu de la Cordillère, coupée presque à pic, et dont la largeur n’a pas plus de vingt-cinq toises. La Condamine, resté seul avec un nègre sur un radeau, y eut une aventure presque sans exemple.