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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

tout on recruta des émigrants auxquels on faisait signer un engagement, ce qui fut la source d’abus scandaleux.

Bien que toutes les terres qu’on avait achetées des Indiens ou qu’on leur avait enlevées fussent loin d’être occupées, le colon anglais allait toujours de l’avant au risque d’avoir maille à partir avec les légitimes possesseurs du sol.

Au nord, la Compagnie de la baie d’Hudson, qui a le monopole du commerce des fourrures, est toujours à la recherche de nouveaux territoires de chasse, car ceux qu’elle a exploités ne tardent pas à s’épuiser. Elle pousse en avant ses trappeurs, recueille auprès des Indiens, qu’elle emploie et qu’elle grise, des renseignements précieux. C’est ainsi qu’elle apprend l’existence d’une rivière qui se jette, au nord, près de riches mines de cuivre dont quelques indigènes ont apporté au fort du Prince-de-Galles de riches échantillons. La résolution de la Compagnie est aussitôt prise, et, en 1769, elle confie à Samuel Hearne le commandement d’une expédition de recherches.

Pour un voyage dans ces contrées glacées, où l’on ne trouve que difficilement à s’approvisionner, où la rigueur du froid est extrême, il faut des hommes bien trempés, en petit nombre, capables de supporter les fatigues d’une marche pénible au milieu de la neige et de résister aux tortures de la faim. Hearne ne prit avec lui que deux blancs et quelques Indiens dont il était sûr.

Malgré l’extrême adresse de ces guides qui connaissent le pays et sont au courant des habitudes du gibier, les provisions font bientôt défaut. À deux cents milles du fort du Prince-de-Galles, les Indiens abandonnent Hearne et ses deux compagnons, qui sont obligés de revenir sur leurs pas.

Mais le chef de l’entreprise est un rude marin, habitué à tout souffrir. Aussi ne se rebute-t-il pas. Si l’on a échoué la première fois, ne peut-on être plus heureux dans une seconde tentative ?

Au mois de février 1770, Hearne s’élance de nouveau à travers ces contrées inconnues. Cette fois, il est seul avec cinq Indiens, car il a compris que l’inaptitude des blancs à supporter les fatigues engendre le mépris des sauvages. Déjà il s’est éloigné de cinq cents milles, lorsque la rigueur de la saison le force à s’arrêter et à attendre une température plus clémente. Ce fut un rude moment à passer. Tantôt dans l’abondance, avec du gibier plus qu’on n’en peut consommer, plus souvent n’avoir rien à se mettre sous la dent, être même obligé, pendant sept jours, de mâcher de vieux cuirs, de ronger des os qu’on avait jetés, ou de chercher sur les arbres quelques baies qu’on ne trouve pas toujours, souffrir, enfin, des froids terribles, voilà l’existence du découvreur dans ces contrées glacées !