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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

une multitude de gens vêtus de jaune. C’étaient des lamas inférieurs ou moines de la secte de Fo, à laquelle l’empereur était attaché.

Les négociations qui avaient eu lieu à Pékin au sujet du prosternement devant l’empereur recommencèrent. Enfin, Tchien-Lung daigna se contenter de la forme respectueuse avec laquelle les Anglais avaient coutume d’aborder leur souverain. La réception se fit avec toute la pompe et la cérémonie imaginables. Le concours des courtisans et des fonctionnaires était prodigieux.

« Peu après qu’il fit jour, dit la relation, le son de plusieurs instruments et des voix confuses d’hommes éloignés annoncèrent l’approche de l’empereur. Bientôt il parut, venant de derrière une haute montagne, bordée d’arbres, comme s’il sortait d’un bois sacré et précédé par un certain nombre d’hommes qui célébraient à haute voix ses vertus et sa puissance. Il était assis sur une chaise découverte et triomphale, portée par seize hommes. Ses gardes, les officiers de sa maison, les porte-étendard, les porte-parasol et la musique l’accompagnaient. Il était vêtu d’une robe de soie de couleur sombre, et coiffé d’un bonnet de velours, assez semblable pour la forme à ceux des montagnards d’Écosse. On voyait sur son front une très grosse perle, seul joyau ou ornement qu’il parût avoir sur lui. »

En entrant dans la tente, l’empereur monta sur le trône par les marches de devant, sur lesquelles lui seul a le droit de passer. Le grand colao (premier ministre) Ho-Choo-Taung et deux des principaux officiers de sa maison se tenaient auprès de lui et ne lui parlaient jamais qu’à genoux. Quand les princes de la famille impériale, les tributaires et les grands officiers de l’État furent placés suivant leur rang, le président du Tribunal des Coutumes conduisit Macartney jusqu’au pied du côté gauche du trône, côté qui, d’après les usages chinois, est regardé comme la place d’honneur. L’ambassadeur était suivi de son page et de son interprète. Le ministre plénipotentiaire l’accompagnait.

Macartney, instruit par le président, tint avec ses deux mains et leva au-dessus de sa tête la grande et magnifique boîte d’or, enrichie de diamants et de forme carrée, dans laquelle était enfermée la lettre du roi d’Angleterre à l’empereur. Alors, montant le peu de marches qui conduisent au trône, il plia le genou, fit un compliment très court et présenta la boite à Sa Majesté impériale. Ce monarque la reçut gracieusement de ses mains, la plaça à côté de lui et dit : « qu’il éprouvait beaucoup de satisfaction du témoignage d’estime et de bienveillance que lui donnait Sa Majesté britannique en lui envoyant une ambassade avec une lettre et de rares présents ; que, de son côté, il avait de pareils sentiments pour le souverain de la Grande-Bretagne et