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LES EXPLORATEURS DE L'AFRIQUE.

malsain et brûlant, où de nombreux moines s’étaient retirés pour se livrer à la pénitence et à la prière, Bruce ne s’arrêta que le temps nécessaire au repos de ses bêtes de somme. Il avait hâte de gagner Gondar, car le pays était déchiré par la guerre civile, et la situation des étrangers n’était rien moins que sûre.

Au moment où Bruce arriva dans la capitale, la fièvre typhoïde y faisait de grands ravages. Ses succès comme médecin lui furent excessivement utiles. Ils ne tardèrent pas à lui procurer une situation très avantageuse à tous les points de vue, avec un commandement qui lui permit de parcourir, à la tête de corps de troupes, le pays dans toutes les directions. Il recueillit ainsi une foule d’observations intéressantes sur la contrée, sur son gouvernement, sur les mœurs des habitants et sur les événements de son histoire, qui firent de son travail l’ouvrage le plus important qui eût jusqu’alors été publié sur l’Abyssinie.

C’est pendant une de ces courses que Bruce découvrit les sources du Nil Bleu, qu’il croyait être le vrai Nil. Arrivé à l’église de Saint-Michel Géesh, où le fleuve n’avait que quatre pas de large et quatre pouces de profondeur, Bruce reconnut que ses sources devaient se trouver dans le voisinage ; mais son guide lui assura qu’il fallait encore escalader une montagne pour y arriver. Naturellement, le voyageur ne se laissa pas tromper.

« Allons ! allons ! dit Bruce, plus de paroles ! Il est déjà tard, conduisez-nous à Géesh et aux sources du Nil, et montrez-moi la montagne qui nous en sépare. — Il me fit passer alors au sud de l’église, et, étant sortis du bosquet de cèdres qui l’environne : — C’est là, dit-il, en me regardant malicieusement, c’est là la montagne qui, lorsque vous étiez de l’autre côté de l’église, était entre vous et les sources du Nil. Il n’y en a point d’autre. Voyez cette éminence couverte de gazon dans le milieu de ce terrain humide. C’est là qu’on trouve les deux sources du Nil. Géesh est située sur le haut du rocher, où l’on aperçoit ces arbrisseaux si verts. Si vous allez jusqu’auprès des sources, ôtez vos souliers, comme vous avez fait l’autre jour, car les habitants de ce canton sont tous des payens, et ils ne croient à rien de ce que vous croyez, si ce n’est au Nil, qu’ils invoquent tous les jours comme un Dieu, comme vous l’invoquez peut-être vous-même.

« J’ôtai mes souliers, je descendis précipitamment la colline et je courus vers la petite île verdoyante, qui était environ à deux cents pas de distance. Tout le penchant de la colline était tapissé de fleurs, dont les grosses racines perçaient la terre. Et, comme, en courant, j’observais les peaux de ces ra-